ANTANANARIVO, une épopée urbaine
À travers les époques, la ville d’Antananarivo est passée par plusieurs statuts d’intérêt royal, commercial, administratif, diplomatique...
Pendant la période monarchique, elle était le centre névralgique d’une population rurale venant exercer une économie partagée et temporaire, le temps des grands marchés hebdomadaires. On voyait se côtoyer facilement notables et paysans que la haute sphère royale appréciait de réunir et de contempler. Cette image de « centres de commerces » est d’ailleurs à ce jour un moteur de la ville des Mille.
Ensuite, la colonisation française y a instauré la notion de centre administratif où les responsabilités de la ville se trouvaient dans des services de gestion, de surveillance, de redistribution et de contrôle. C’est le début d’une première définition d’une capitale administrative, image d’une puissance au-dessus d’une réalité publique.
Après l’indépendance, durant la première République, la ville d’Antananarivo fut maintenue comme un site de « villégiature » pour les personnes importantes de l’État et de la catégorie sociale aisée, une image d’ouverture à l’international du pays qui s’apparentait à un melting-pot déguisé.
Par la suite, cela étant également visible de nos jours, la ville d'Antananarivo s’est très vite forgée par la nécessité d’accueillir une population toujours grandissante, à l’image de ces villes dites dortoirs des pays du nord (jadis). La préoccupation est devenue rapidement de répondre à un afflux de migrations : la notion d’exode rural est donc également apparue « par défaut » dans la compréhension des villes fortement ruralisées à Madagascar.
Aussi, au-delà des prévisions statistiques qui montreraient une augmentation continue de la population citadine, résultant « supposément » en partie de l’exode rural et du poids de la mondialisation, tournons plutôt le regard vers une approche plus sociologique de la ville.
ANTANANARIVO, une Capitale pour...Qui/Quoi ?
Cela peut paraître " étrange " mais effectivement, les questions méritent d’être posées. Que voudrait la population ? Comment souhaite-t-elle vivre dans sa Capitale ? …
L’exercice est fastidieux, néanmoins prenons le sujet de manière assez " basique " et comprenons-le à travers une définition simplifiée de l’état du tissu urbain actuel ; qui s’apparenterait aux époques citées ci-dessus.
Sur le plan géographique, l’agglomération d’Antananarivo est posée sur un plateau imprégné de rizières (monde rural) sur lequel se développent des extensions de quartiers de différentes tailles et d'identité urbaine et sociale très diversifiées.
Ces quartiers sont animés entre eux de migrations journalières très importantes pour assurer les échanges économiques dans des zones centralisées, réparties difficilement sur son territoire.
On y distingue trois catégories sociales qui se répartissent l'agglomération :
Une classe sociale fortunée implantée dans les grandes institutions publiques et privées ;
Une population citadine très qualifiée, bien ancrée et liée aux services et aux administrations, avec un pouvoir d’achat élevé, et très friande de mondialisation ;
Et une partie de la population vivant au chevet de cette masse active qui peine grandement à s’émanciper et à trouver sa place dans cette société orientée vers la compétitivité.
Ces réalités malagasy semblent pourtant avoir été minimisées ou difficilement prises en compte dans les grands défis d’aménagements de la ville.
La course à une "sectorisation des masses", maîtrisée ou totalement incontrôlée, et des centres commerciaux (au sens large) paraissent être les priorités. D’un côté, les projets d’habitats privés de tout genre et style s’érigent avec une liberté totale primant sur les règles d’urbanisme. D’une part, le constat amer d’une difficulté saisissante des services publics à répondre aux besoins tel un code d’urbanisme et de l’habitat, inexistant à ce jour aux yeux du public ; des infrastructures urbaines vieillissantes qui attendent à être rénover, etc…
ANTANANARIVO, une Capitale parsemée de « quartiers pansements »
Sa structure urbaine semble refléter une approche purement théorique et arithmétique des données, favorisée par des politiques urbaines toujours plus différentes à chaque régime, et une volonté d’abord de rentabilité économique :
La réflexion sur l’attractivité d’une ville a été totalement soustraite des perspectives urbaines ;
Les questions de la qualité spatiale et environnementale du cadre bâti ont été très minimisées ;
En effet, ne soyons pas étonnés si plusieurs intentions volontaristes, peuvent trouver échos face à ce grand défi. Mais une question demeure: Comment on y répond ?
Ne nous basculons pas trop vite dans l’erreur à vouloir bousculer cette réalité et cette identité Malagasy, dans des objectifs essentiellement focalisés sur une mondialisation difficilement acquise.
Toute tentative de reconstitution du tissu urbain orientée uniquement sur une lecture d’ouverture à l’international peut être dangereuse, et renforcerait indéniablement les inégalités sociales et culturelles déjà existantes. Par ailleurs, cela pourrait ne jamais fonctionner, étant trop déconnecté des habitudes et des besoins des usagers concernés.
" La ville d’Antananarivo doit regarder et comprendre à nouveau ses quartiers, sa population et l’inventaire de ses ressources. Elle aussi, comme ses sœurs en Afrique, devrait saisir cette possibilité de penser autrement son territoire, et se préparer sérieusement face aux grands bouleversements sociétaux et climatiques déjà en marche."
Son rayonnement serait d’autant plus renforcé par la mise en valeur de ses spécificités et richesses locales, en réfléchissant par exemple sur :
Une sécurisation profonde du foncier qui permettrait de prévoir les extensions possibles de la ville ;
Une politique de l’Habitat qui prendrait en compte l’évolutivité de chaque classe sociale en milieu citadin et rural ;
De nouvelles formes de réseaux de transport adéquats pour desservir chaque centralité économique et sociale ;
La valorisation d’une Capitale Malagasy par la requalification de ses quartiers portée par des initiatives participatives dans chaque fokontany ;
Trouver une identité précise à la Capitale : est-ce une Capitale économique, ou administrative et politique, ou les deux à la fois;
Quels engagements intercommunaux à prendre, pour maîtriser l’expansion inévitable de la ville ;
Comment redessiner Antananarivo pour qu'elle présente une Capitale du futur, emblème d'une nation forte de la zone de l'océan indien …
Autant d’enjeux qui pourraient susciter interrogations et débats, que nous encourageons vivement, entre les intervenants du monde politique, scientifique, public et privé. La reprise en main de l’avenir de la Capitale et de l’ensemble des villes à Madagascar est une responsabilité commune et un défi national, qui doit se faire sans attendre au risque de pénaliser « fatalement » sa population pour les décennies (siècle) à venir, ainsi que l’attractivité du pays en général.
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